DEVECSER — Malgré un retour très progressif à la normale, de nombreux habitants de la petite ville de Devecser, dans l'ouest de la Hongrie, sont encore sous le choc et vivent dans la crainte d'une nouvelle coulée de boue rouge toxique.

Les enfants de l'école municipale, partiellement détruite, doivent désormais prendre l'autobus tous les jours pour aller à Somloszolos, un village voisin où une ancienne école a été rouverte pour les accueillir.

"Je suis content qu'ils n'aient pas à respirer cette sacrée poussière ou à jouer dans la vase", explique à l'AFP Sandorne Somogyi, 59 ans, qui accompagne son petit-fils à l'arrêt d'autobus.

"Ils ont tous très peur, ils tremblent à chaque fois qu'ils entendent un bruit fort. Mon coeur se brise de les voir ainsi", confie-t-il.

La couleur rouge de la boue toxique reste encore très présente dans la ville, mais a pâli sous la poudre de plâtre disséminée par les services de secours. La poussière toxique -de la boue séchée- reste un gros problème que les autorités tentent de la combattre en arrosant les rues.

Les enfants ne sont pas les seuls à vivre avec la peur au ventre à Devecser, ville de 5.400 habitants où le traumatisme reste palpable dix jours après la coulée de boue rouge de l'usine d'aluminium d'Ajka, qui a fait 9 morts et 150 blessés.

"Nous avons trop peur de passer la nuit ici. En fait, je suis morte de peur.. nous allons donc dans une autre maison tous les jours, par mesure de sécurité", a déclaré Janosne Horvath, 64 ans, qui a décidé de quitter Devecser pour de bon, en dépit du fait qu'elle y a passé toute sa vie.

Et elle n'est pas seule: selon des estimations des autorités locales, près de 80% des victimes de la marée de boue rouge envisagent de quitter les lieux pour toujours.

"Les travaux de secours progressent bien, plus de 70% des rues et des maisons ont été traitées avec du plâtre pour neutraliser la boue rouge", a de son côté déclaré à l'AFP Andras Lenner, un membre de l'Assemblée locale.

Monika Siro, un médecin, a elle décidé de rester: "J'ai mis au monde mon premier fils ici, je l'ai ramené à la maison: cette maison représente bien plus, qu'un tas de briques", dit-elle.

"On reste. On ne va pas quitter la ville comme des rats qui abandonnent le navire...".

A Kolontar, village tout proche de Devecser où la boue toxique a fait le plus de ravages, Jozsef Holczer, 65 ans, est l'un des propriétaires des huit maisons qui ont été détruites, car celle-ci était sur le tracé de la nouvelle digue de protection construite à la hâte dans le village depuis samedi.

"J'habite là depuis 1977 et j'ai construit cette bâtisse de mes propres mains.. ", se lamente-t-il.

"Ma famille est à Ajka, moi, je suis resté là du matin au soir pour essayer de sauver ce que je pouvais", a-t-il raconté. Une vingtaine de personnes avaient décidé de resté à Kolontar, évacué d'urgence samedi face à des risques de nouvelle coulée de boue.

Dans le jardin de l'église se trouve un monument érigé à la mémoire de ceux qui sont morts au cours de la Deuxième Guerre mondiale. A côté est apparue une plaque en marbre, sur laquelle a été gravée l'inscription: "A ceux qui ont perdu la vie dans un accident causé par la cupidité et la négligence", en allusion à la société MAL, propriétaire de l'usine de bauxite et d'aluminium à l'origine du drame.

Vendredi, à midi, les quelque 800 habitants de Kolontar pourront rentrer chez eux. A la même heure, l'usine reprendra sa production.

De Janos GAL (AFP)
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