L'obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage

Planned Obsolescence Banner.

En 1932, un certain Bernard London déplorait que « les gens désobéissent à la loi de l’obsolescence : ils utilisent leurs vieilles voitures (…), leurs vieilles radios et leurs vieux vêtements beaucoup plus longtemps » que prévu. Pour relancer l’économie, ce philanthrope suggérait donc de rendre obligatoire « l’obsolescence programmée » (« planned obsolescence »), en imposant une date limite légale aux produits manufacturés !
De nos jours, les fabricants ne s’entendent sans doute pas en secret sur la durée de vie de leurs appareils. Mais entre lente disparition des réparateurs, pratiques douteuses et pub, les moyens ne manquent pas pour faire repasser le consommateur à la caisse.
Eric Guillaume, responsable « recherche et développement » au Laboratoire national de métrologie et d’essais prépare une étude sur la durée de vie des produits, à la demande du ministère de l’Ecologie : « Généralement, les industriels font des études statistiques de défaillance et optimisent leurs produits pour avoir 95 % des pannes après la date de garantie constructeur, soit deux ans en France. Les vices cachés sont assez rares, ils jouent plutôt sur les matériaux, par exemple en modélisant les effets de la température sur le vieillissement des polymères. »
D’où la passion des fabricants de lave-linges pour les cuves en plastique, moins chères – et résistantes – que l’Inox. Etc...
La « durabilité » est au menu à Bruxelles : la directive européenne « ecodesign », en cours de préparation, veut mettre le paquet sur l’efficacité énergétique des produits, mais aussi sur les trois R : réutilisation, recyclabilité et réparabilité.
L’objectif : prolonger la vie des objets et des ressources, en s’assurant par exemple, dès la conception, que les matériaux critiques (or, argent, terres rares…) seront aisément récupérables. Les ONG mobilisées plaident en outre pour que des infos sur la durée de vie soient clairement données aux consommateurs, au moins pour certains produits, comme les ampoules.

Mon point de vue :

Capitalism obsolete! This message brought to you by Felálló-Fülű Pour les industriels, cette idée d'obsolescence programmée représente une sorte de Saint Graal commercial, un moyen de créer une plus grande demande dans un marché qui est déjà saturé. Comment pourraient-ils vendre plus de frigos, de voitures et de chaussures pour les clients qui ont déjà ce dont ils ont besoin? Ils ont trois solutions principales:

  • technique: construire "plus faible", des produits moins durables qui sont impossibles à réparer;
  • conception: vieillir artificiellement des produits plus anciens en les rendant soit-disant démodés et périmés;
  • juridique: les lobby agissent pour des nouvelles exigences légales et des normes qui signifient que les clients doivent acheter un nouveau produit afin de rester dans la légalité.

Et ceci, avec le concours des gouvernements (voir par ailleurs différentes théories économiques citées ci-dessous).

Actualité :

Casse-toi, pauv'con. Eva Joly (elle uniquement!), candidate Verte à la présidentielle veut « obliger les constructeurs à produire des machines qui ont une durée plus longue », ce qui soulagerait le portefeuille des Français. L’ancienne juge plaide une cause chère aux écologistes, étayée par un rapport des Amis de la Terre et du Cniid, le Centre national d’information indépendante sur les déchets et popularisée par quelques enquêtes télé. Prêt à jeter, rediffusé à la fin du mois de janvier sur Arte, relate par exemple l’histoire du cartel Phœbus : pendant les années 1920, des fabricants d’ampoules se sont entendus pour limiter à 1000 heures leur durée de vie, alors qu’elles pouvaient briller 2 500 heures, voire un ou deux siècles. Le documentaire montre aussi que certaines imprimantes Epson sont programmées pour caler après 18 000 pages. Une pièce de plus à un dossier chargé : aux Etats-Unis, HP et Epson ont fait l’objet de plusieurs tentatives de « class actions », des recours collectifs lancés par des consommateurs furieux que leurs imprimantes s’arrêtent faute d’encre, quand les cartouches étaient encore bien remplies.

A lire dans l'annexe,
  • L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage. Le cas des produits électriques et électroniques.- Rapport du Cniid et des Amis de la Terre, paru en 2010
  • Guide pour un système d’information éco-responsable (Guide WWF 2011 par Frédéric Bordage, guide Eco-TIC pour WWF)
  • à consulter, le site du Cniid (Centre national d’information indépendante sur les déchets) : http://www.cniid.org/Obsolescence-p...
  • à lire en français : Crise du capitalisme ou pulsion de mort ? http://www.marianne2.fr/Crise-du-ca...
  • à lire en anglais : Obsolescence programmée- Comment les entreprises encouragent l'hyperconsommation http://owni.eu/2011/05/09/planned-o...
  • Pour votre culture personnelle, vous pouvez aller plus loin encore, et vous documenter sur certaines théories économiques :
    • celle des "déficits jumeaux" ou "double déficit"
    • celle du "modèle à générations imbriquées"
    • celle de "l'équivalence ricardienne" (ou "la neutralité ricardienne")
Conclusion :

Face à ces crises systémiques, aux dégâts humains et écologiques de l'économie, l'homme est-il capable de retenir la leçon et de changer de cap ? « La question n'est pas de refonder le capitalisme, elle est de savoir si on peut dépasser un système fondé sur l'accumulation indéfinie et la destruction sans limite de la nature. »
Sur ce point, Keynes entrevoyait l'Eden d'une civilisation d'honnêtes hommes vivant de culture, de vin et de partage. Freud, pessimiste, imaginait un cycle d'éternel recommencement de la destruction. En un demi-siècle de pensée économique, il serait peut-être temps de trouver une réponse !
Gilles Dostaler et Bernard Maris, Capitalisme et pulsion de mort (chez Albin Michel)

Consumption - Victor LeBeau.
et pour ne plus jeter, mais réparer consulter http://www.commentreparer.com/