Eau du robinet : les vannes sont ouvertes pour les pesticides

Panneau Eau potable La directive européenne 98/83/CE, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, fixe la limite de qualité réglementaire à 0,10 μg/L (0,1 microgramme par litre) par substance pesticide individuelle ou à 0,50 μg/L pour l’ensemble des pesticides quantifiés (1). Daté de juillet 1998, un avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France a réinterprété la Directive 98/83 en introduisant une nouvelle notion : la « valeur sanitaire maximale » ou V Max telle que définie par l’OMS (2). Dès lors, une eau contenant un pesticide à une quantité supérieure à 20 % de la V Max pendant plus d’un mois, ou présentant une teneur globale en pesticides dépassant la V Max ne serait-ce qu’un jour, ne devait être utilisée ni pour la boisson, ni pour la préparation des aliments.

Largement supérieure à 0,1 μg/L, cette réglementation tolérait donc la distribution d’eau contenant des quantités de pesticides bien supérieures à la limite de qualité. Déjà peu satisfaisante, cette situation s’est encore dégradée avec la publication, « en catimini », d’une instruction de la direction Générale de la Santé, publiée au BO (Bulletin Officiel) en février 2011. Celle-ci prévoit, en effet, que 100 % de la V Max du pesticide concerné devra être atteinte, quelle que soit la durée d’exposition, pour que soient mises en place des restrictions d’eau.

Pour illustrer l’impact de cette politique, l’association Générations Futures l’a appliqué à l’atrazine, un pesticide fréquemment détecté dans les eaux en France. La V Max de cette substance est établie à 2 μg/L. Avant l’instruction de la DG Santé, dès la valeur de 20 % de la V Max de l’atrazine, soit 0,4 μg/L, observée pendant plus d’un mois, une interdiction temporaire de consommation était décrétée. Désormais, il faudra dépasser les 100 % de la V Max, soit 2 μg/L, pour que l’eau soit interdite. Comme le note François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, cela revient à tolérer dans de très nombreuses localités des quantités de pesticides dans l’eau jusqu’à 5 fois plus importantes. Dans le cas du folpet, pesticide classé comme cancérigène probable aux États-Unis, on tolérera dorénavant jusqu’à 300 μg/L d’eau, pendant plus d’un mois, contre 60 μg/L pour la même durée auparavant.

Panneau Danger pesticides Hautement préoccupante en terme de sécurité sanitaire, cette modification du fond réglementaire permet, en revanche, d’alléguer une baisse artificielle des habitants concernés par une restriction d’utilisation d’eau, au motif de pollution aux pesticides. Grâce à elle, le nombre officiel de personnes touchées par ces restrictions passe de 34 300 en 2009 à une estimation de 8 939 en 2010.

Cécile Cassier

1- Exception faite de l’aldrine, dieldrine, heptachlore, heptachloroépoxyde, pour lesquels la limite de qualité est de 0,03 μg/L
2- Organisation Mondiale de la Santé. http://www.who.int/fr/

Article tiré de Univers Nature, l'environnement sur le Web, paru le 01 mars 2012
http://www.univers-nature.com/

Note personnelle:

L'Union européenne (UE) définit les normes de qualité essentielles auxquelles doivent satisfaire les eaux destinées à la consommation humaine. Vous pouvez avoir accès à la législation européenne et à une Synthèses de la législation de l'UE dans un chapitre "Environnement" concernant la Protection et gestion des eaux.
http://europa.eu/legislation_summar...
Et en annexe, une version consolidée de la directive 98/83/CE comprenant les modifications et corrections successives de cette même directive intégrées au texte de base.Ce document n'a qu'une valeur documentaire, constitue un outil de documentation et n’engage pas la responsabilité des institutions.
Liens :

En Annexe :

Les pages 186 et 187 de la publication "L’état de santé de la population en France, Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique - Rapport 2011."
Ce rapport 2011a été coordonné par la Direction des études de l’évaluation et des statistiques (DREES), l’ouvrage a associé et bénéficié de l’expertise de l’ensemble des producteurs dans le champ de la santé : ADEME, ANSES, AFDPHE, AFSSAPS, CNAMTS, CCMSA, RSI, CNRS, DARES, DGS-EA-INCa, INED, INPES, INSEE, INSERM-CépiDc, INSERM unité 953, InVS, IRDES, OFDT, ONISR, UFSBD-IFSTTAR.
Il fait suite au travail d’un groupe d’experts qui, sous l’égide de la DGS et de la DREES, a réuni à la fois ces principaux producteurs de données et des experts pour chacun des thèmes retenus par la loi.
Publié sur le site du Ministère en charge de la santé http://www.sante.gouv.fr/l-etat-de-...