La leishmaniose canine

leishmaniose en Europe

La leishmaniose canine atteint essentiellement des animaux stationnés en région méditerranéenne et dans les Balkans. Les chiens vivant à l’extérieur sont plus souvent piqués par des phlébotomes que les chiens vivant à l’intérieur. Les leishmanioses sont des infections parasitaires, inoculables, exceptionnellement contagieuses. Elles sont caractérisées par des manifestations cliniques polymorphes et une grande diversité épidémiologique.
On distingue dans ces parasitoses trois types épidémiologiquement différents, dus à des agents infectieux peut-être différents, de réservoirs et de symptomatologie différents.
On distingue :

  • les leishmanioses cutanées, présentes sur le continent eurasiatique et le continent africain,
  • les leishmanioses cutanéo-muqueuses, décrites sur le continent américain,
  • et les leishmanioses viscérales.

Les leishmanioses sont des parasitoses communes à l’homme et à de nombreux animaux qui apparaissent sous forme de cas sporadiques ou d’épidémies plus ou moins importantes. Il existe plusieurs formes cliniques chez l’homme, on distingue les leishmanioses viscérales ou kala-azar, dans lesquelles le parasite envahit tout le système réticulo-histiocytaire et les leishmanioses cutanées, ou bouton d’Alep encore appelé bouton d’Orient, dans lesquelles le parasite se limite à la peau. Il existe enfin sur le continent américain des formes cutanéo-muqueuses de leishmanioses.

Depuis la découverte du parasite au début du siècle, plusieurs foyers de formes variées de leishmaniose ont été décrits à la fois dans le « nouveau » et « l’ancien » monde. Aujourd’hui, la distribution de la leishmaniose humaine est de plus en plus large dans le monde. La maladie est endémique dans 88 pays, 22 du « nouveau » monde et 66 de « l’ancien » monde (DESJEUX, 2002b), où elle sévit sous forme de foyers localisés.
Ces foyers sont dispersés sur tous les continents, exception faite de l’Antarctique, qui n’abrite pas le phlébotome, vecteur de la leishmaniose (DEREURE, 1999). Ils sont particulièrement présents dans les régions intertropicales, mais il en existe également dans les pays tempérés à étés chauds de l’hémisphère Nord.
Les principaux foyers de leishmaniose cutanée (plus de 90 % des cas mondiaux) sont signalés au Brésil, au Pérou et dans les pays d’Asie du Sud Ouest (Afghanistan, Iran, Arabie Saoudite, République Arabe Syrienne).
La majorité des foyers de leishmaniose viscérale se trouve dans des pays comme le Brésil, le Bangladesh, l’Inde, le Soudan (DESJEUX, 2002b).

Réparation Mondiale de la Leishmaniose (Source : DEDET, 2001)
Le foyer méditerranéen réunit des formes cutanées et viscérales de leishmaniose. Ce foyer concerne l’Afrique du Nord, la Méditerranée orientale et l’Europe du Sud.%% En Europe du Sud, la leishmaniose est initialement rurale et s’urbanise rapidement. Des foyers sont décrits aux alentours des grandes villes. Dans ces zones, le vecteur de Leishmania infantum est présent partout. Les chiens, réservoirs de L. infantum, sont nombreux (DESJEUX, 2002).
Sa répartition n'est pas homogène entre les régions et à l’intérieur de chaque région. Ces différences de localisation sont en rapport avec la répartition des phlébotomes vecteurs, qui affectionnent particulièrement les contrées à climat chaud et humide.

En France, la leishmaniose canine sévit à l’état endémique là où les vecteurs sont nombreux, c’est-à-dire dans le sud de la France. Elle est principalement localisée sur les côtes méditerranéennes, et commence à s’étendre le long de la vallée du Rhône. La zone la plus touchée rentre dans le triangle Andorre- Nice- Lyon (BOURDOISEAU, 2001). Trois foyers de forte enzootie, présents dans le sud de la France, sont distingués :

  • le foyer Cévennes-Languedoc, qui communique avec l’Espagne,
  • le foyer Provence-Côte d’Azur, qui communique avec l’Italie et s’étend au Nord, dans la vallée du Rhône, jusqu’en Ardèche,
  • le foyer Corse.

Les infections sont saisonnières du printemps à l’automne.
Depuis quelques années, on constate en France une augmentation du nombre de cas de leishmaniose à L. infantum chez le chien, notamment dans les départements où la maladie n'existait pas à l’état enzootique, traduisant une avancée de l'aire de répartition du vecteur. Celle-ci est certainement liée aux changements climatiques.

Répartition des deux principales espèces de phlébotomes (Phlebotomus ariasi et P. perniciosus) vectrices de Leishmania infantum en France métropolitaine. Données actuelles sur une zoonose négligée.
Le principal réservoir des leishmanies est essentiellement animal. Le chien domestique représente le réservoir principal. Par contre, en Inde, c’est l’homme qui constitue le réservoir principal.
La contamination par les leishmanies se fait quasi exclusivement lors de la piqûre des femelles, des genres Phlebotomus et Lutzomyia, respectivement dans « l'ancien » monde et dans le « nouveau » monde, qui s'infectent lors du repas sanguin sur un hôte réservoir (infecté) humain ou animal.
Les phlébotomes sont la seule source directe de parasites. Ce sont des insectes diptères, nématocères appartenant à la famille des Phlebotomidae (Psychodidae). Les phlébotomes pullulent dans les régions au climat chaud et humide, où le vent est faible. Ils abondent donc particulièrement dans les zones intertropicales où le risque de transmission est permanent, par contre les phlébotomes ne piquent que durant la saison estivale dans les régions tempérées. Les espèces vectrices de L. infantum intéressant la France sont Phlebotomus ariasi et Phlebotomus perniciosus. Un autre genre est présent en France : Sergentomyia (S. minuta). Mais il n’intervient pas dans l’épidémiologie de la leishmaniose.
L’adulte est de petite taille (moins de 0,5 cm de long), jaune pâle, velu, bossu avec de gros yeux noirs. Ils présentent des ailes lancéolées dressées en V en position de repos. Sa faible dimension, sa pâle coloration et son vol silencieux font qu'il est rarement remarqué. L'existence d'organes génitaux externes très développés chez le mâle permet de le distinguer facilement de la femelle.

phlébotome
phlébotome

Dans nos régions, l'activité du phlébotome est surtout crépusculaire ou nocturne. Le phlébotome se déplace par vol sautillant et saccadé. Les mâles se nourrissent exclusivement de sucs végétaux. Seule la femelle est hématophage. Plusieurs repas sanguins en alternance des repas sucrés sont nécessaires à la maturation des œufs. Les femelles se nourrissent plusieurs fois au cours de leur vie (environ 3 fois à 10 jours d’intervalle, pour une longévité moyenne de 1 mois). Elles inoculent les leishmanies en piquant les chiens dans les zones glabres (chanfrein, conques auriculaires). Le pelage des chiens ne constituent pas une protection.
Chez le chien, il n’y a pas de variation de la réceptivité en fonction de la race ou du sexe. L’âge n’est pas directement un facteur de sensibilité, mais en revanche, le risque d’infection croît avec ce dernier.
Le mode de vie est un facteur favorisant l’infection. Les chiens vivant à l’extérieur (chiens de garde, de berger) ont plus de risques d’être piqués par des phlébotomes. Dans la forme classique de la maladie, on observe assez constamment une modification du caractère du chien, il est apathique, l’appétit est également diminué. Une amyotrophie est également notée, elle intéresse d’abord la tête avec les muscles temporaux et masticateurs. Les fosses temporales se creusent donnant à l’animal une « tête de vieux chien » assez caractéristique. Puis, les membres s’amincissent et les hanches saillent.

Traitement : 

Le traitement ne permet, dans la majorité des cas, qu’une guérison clinique momentanée. Il n’entraîne pas l’élimination des parasites et des rechutes ont lieu régulièrement. Le traitement de choix associe l’antimoniate de méglumine (Glucantime®) et l’allopurinol (Zyloric®).

Conclusion :

La leishmaniose viscérale à L. infantum est une maladie extrêmement grave pour l’homme, d’autant plus que les traitements actuels sont très toxiques et ne permettent pas une guérison parasitaire. En France, cette anthropozoonose est de plus en plus fréquente chez le chien. Cette augmentation du nombre de cas est due à l’accroissement de la population canine et à l’avancée de l’aire de répartition du vecteur. L’importance de la leishmaniose canine, autant liée à sa fréquence qu’à la gravité des symptômes dans les formes cliniques, dépasse l’intérêt strictement vétérinaire. L’enjeu en terme de santé publique est que le chien représente le réservoir de parasites pour l’homme. Ainsi, les tentatives de contrôle de la leishmaniose canine visent à réduire les risques d’infestation de l’homme, plutôt qu’à simplement protéger les chiens. C’est pourquoi l’épidémio-surveillance et la prévention de la leishmaniose canine s’avèrent nécessaires.

Protection :

Pour la protection contre les phlébotomes :
Scalibor logo

  • l’emploi de collier imprégné de deltaméthrine (Scalibor®, laboratoire Intervet) est indiqué à partir de mi-avril pour tous les chiens du pourtour méditerranéen ;
  • de même, les chenils les plus exposés devront être traités fin avril par pulvérisation avec de la deltaméthrine ;
  • enfin, la plantation de bougainvilliers (Bougainvillea glabra) http://nature.jardin.free.fr/grimpa... dans les chenils exposés est recommandée puisque l’activité répulsive de cet arbre vis-à-vis des phlébotomes a été montrée. D'autres plantes font également barrière pour ces insectes : Morelle faux jasmin (Solanum jasminoides ou laxum), rapidement envahissante, on s'en sert pour couvrir les treillages ou les pergolas, ses fruits sont de petites baies pourpres et charnues ; mais attention, elles sont toxiques! et Ricin commun (Ricinus communis) , plante très dangereuse pour les humains et les chiens! toute la plante est du poison et 3 graines de ricin ingérées tuent un chien et peuvent être fatales à un enfant.
Deltaméthrine dans la prévention de la leishmaniose :

La deltaméthrine, synthétisée en 1974 par ELLIOTT et ses collaborateurs, est désignée par les chimistes sous le nom de : (1R, 3R)-3 (2,2-dibromovinyl)-2,2-diméthylcyclopropanecarboxylate de (S)-α-cyano-3-phénoxybenzyle. Sa formule chimique est la suivante : C22H19Br2NO3.
La deltaméthrine est un insecticide lipophile puissant qui diffuse sur l’ensemble du tégument et du pelage du chien. La deltaméthrine ne persiste pas dans l’organisme. La deltaméthrine est un insecticide puissant qui, de part son pouvoir répulsif sur les arthropodes vecteurs, a un effet protecteur contre la piroplasmose, l’ehrlichiose et la maladie de Lyme, maladies parasitaires transmises par les tiques, et laleishmaniose,transmise par les phlébotomes.
Ce collier est à utiliser seul, car toutes les molécules de la famille des pyréthrinoïdes ont des effets toxiques comparables, ce qui a pour conséquence que l’association de deux molécules puissent avoir un effet cumulatif, et augmenter le risque d’allergie cutanée (INTERVET, 2003).
Par précaution, la deltaméthrine bien que n’ayant pas d’effets toxiques comparables avec les molécules d’autres familles chimiques, il est déconseillé d’utiliser ces molécules pendant la période de port du collier (source : dossier d’AMM).
Collier Scalibor L’activité d’un collier (Scalibor®, laboratoire Intervet) utilisé pour la protection des chiens contre les vecteurs de la leishmaniose a été étudiée. Il apparaît que ce collier réduit les contacts entre le vecteur (phlébotome) et le réservoir (chien). Le collier n’assure pas une protection totale et il suffit d’une seule piqûre pour être infecté.
Un traitement trop long, trop concentré, le léchage après un traitement cutané, l’ingestion d’un collier contenant de la deltaméthrine, la répétition du traitement peuvent être à l’origine d’une intoxication du chien.

Mesures prophylactiques afin de prévenir l’apparition de la leishmaniose
  • Une de ces mesures consiste à faire porter aux chiens se trouvant en région d’enzootie un collier qui diffuse un insecticide pyréthrinoïde, la deltaméthrine, ayant un effet répulsif vis-à-vis du phlébotome vecteur de Leishmania infantum. Selon le dossier d’AMM, ce collier est contre indiqué chez les chiots de moins de 7 semaines par précaution et il reste efficace même quand le chien est mouillé.
  • Une autre mesure est de placer le chien dans une pièce décontaminée durant la période du coucher du soleil. Il sera d'autant plus préservé s'il porte un collier; ne pas sortir son chien au crépuscule ou durant la nuit dans les zones infectées.
  • la vaccination : Depuis septembre 2011 est disponible en France un vaccin leishmaniose (CaniLeish ND® du laboratoire Virbac). La vaccination ne peut se faire que sur des chiens âgés d’au moins 6 mois. La primo vaccination consiste en 3 injections à 3 semaines d’intervalle. Ensuite on procédera à un rappel vaccinal annuel. L’immunité sera optimale 4 semaines après la dernière injection de primo vaccination donc 10 semaines après la première injection. Si on compte bien, donc, en commençant un schéma de vaccination début février, on se retrouvera avec un chien immunisé de manière optimale début avril, moment de l’année auquel les phlébotomes commencent à sévir! Avant de commencer le protocole vaccinal, votre vétérinaire vous proposera certainement de réaliser une prise de sang, afin de s’assurer que votre chien n’est pas porteur de la maladie … et donc, de s’assurer de ne pas le faire vacciner pour rien! L’efficacité du vaccin n’est pas de 100% mais le laboratoire annonce que “ce vaccin réduit le risque de maladie d’un facteur de 4″.

les 3 mesures peuvent être, bien sûr, associées.

Utilisation :

Les chiens le portent du 15 avril jusqu’au 15 octobre. Si l’hiver est doux, le collier est mis avant le 15 avril. D’autre part, ce collier doit systématiquement être posé une semaine avant leur départ, aux chiens partant dans des pays où la maladie est présente (Balkans par exemple).
La libération de la deltaméthrine se fait par dissolution, et non pas par évaporation. La diffusion de ce composé très lipophile se faisant par osmose dans le film lipidique sécrété par les glandes sébacées. Cette dissolution étant facilitée par le frottement du collier sur la peau du chien.
Les expériences réalisées ont montré que cette molécule a une affinité importante pour le triphényl phosphate (TTP) contenu dans le PVC. Ce composé étant spontanément refoulé en périphérie du PVC, la deltaméthrine se retrouve donc à la surface du collier, en contact avec la peau du chien. Dans le sébum, il se produit une migration spontanée de la deltaméthrine aboutissant à un gradient de concentration. Des études ont montré qu’une semaine est nécessaire pour que la deltaméthrine soit retrouvée au niveau de la partie postérieure de l’animal.
Il semblerait également qu’il n’y a pas de différence significative entre la performance olfactive des chiens avec ou sans le collier.
Note : les chiens de l'armée, de la gendarmerie et de la police portent ces colliers lorsqu'ils sont stationnés dans le Sud de la France, et le porte systématiquement en opération dans les Balkans, Afghanistan, Mali, etc...

Bibliographie : De nombreuses thèses et recherches dans le Monde entier, mais curieusement pas beaucoup d'écrits en France!

Joel Kuhlmann, Avril 2018